dimanche 18 octobre 2009

Déambulations #2: D'asie en Europe, un dimanche sous la pluie

6h : réveil matinal pour ce dimanche 18 octobre, jour de marathon à Istanbul. Pour la première fois depuis mon arrivée ici, j'entend le muezzin chanter si tôt, pour réveiller une ville qui dort encore. Départ aux aurores donc pour aller rejoindre Yens et David, deux copains allemands décidés à avaler les 8 km de la "fun run", la version soft et un peu délurée du marathon, et Etienne, un français rencontré la veille qui est comme moi, plutôt décidé à marcher tranquillement, à prendre quelques photos et à profiter d'une ville sans voitures, le temps de quelques heures.

Sur la route, je croise mon copain le boulanger qui débauche tout juste. Echange de quelques minutes dans un turc où les mots sont plus que machés ce qui rend parfois la compréhension un peu difficile. Bienvenue dans le monde de Morgane où les questions au réveil sont parfois un peu difficiles à assimiler, lorsque l'on a encore les yeux collés, la bouche qui fait un peu la moue et surtout le "cerveau turc" pas du tout enclenché. Alors on se fait un peu violence (le thé aidant) et après 3 verres, ca va tout de suite mieux...



Arrivée sur le départ de la course aux alentours de 9h après une heure de marche pour aller jusqu'au point de rendez-vous et 1 heure de navette qui nous emmène dans des contrées reculées de la ville, où mosquées côtoient building en construction, maisons abandonnées ou squattée et terrains vagues.
Malgré la pluie, l'enroit est bondé. On nous distribue des drapeaux (on est en turquie quand même). Touristes, familles, véritables athlètes et étudiants sont réunis pour traverser le pont qui relie l'Asie à l'Europe, pont suspendu gigantesque, fermé au public par peur de suicides et toujours théâtre d'un trafic épouvantable ...


La vue est imprenable. Allah, dans son incroyable bonté, après nous avoir montré par 2 heures de pluie battante qu'il est toujours le chef ici-bas, accorde un peu de répit aux participants, le temps de la traversée du pont. "Allah akbar". C'est définitivement un bon gars.



"Petit dej pique-nique", "instants thé", petites foulées ou nouveau record personnel, chansons de foot, fauteuil roulant ou balade en famille avec papy-mamie... Chacun vit la traversée à sa manière et avec la signification qu'il souhaite y apporter, pendant que les vendeurs d'eau maudissent les autres qui ont eu la bonne idée de miser sur la spécialisation "imperméables sacs poubelle" pour l'occasion...








La balade se poursuivra tout le reste de la matinée pour Etienne et moi, à travers une ville définitivement différente : plus calme (même si tout reste relatif), mais surtout investie par les piétons. Détournée par les habitants qui ré-investissent des lieux interdits, rendus dangereux par la circulation. On marche au milieu de la route, on prend des bretelles de quatre-voies, on crie, on prend de la place, on marche côte à côte avec 10 amis, pour une fois que c'est possible, ne nous privons pas ...






La pluie redouble d'intensité. L'eau ruiselle dans Cihangir, quatier bâti sur une colline avec beaucoup d'escaliers interminables mais pas de bouches d'égout. La balade se terminera au musée, à une expo d'art contemporain dans un ancien dépôt de tabac. Une expo très politique, comme on n'en a pas l'habitude en France, où les artistes n'hésitent pas à interroger de manière critique la situation des autres pays tels que le Liban, l'Iran, la Russie... Parti pris et implication très forte. Mais "bizarrement", rien sur les problèmes politiques turcs... Un oubli, sans aucun doute...





Dans les rues autour du musée, des enfants jouent à capturer des oiseaux, on se fait livrer les courses par panier que l'on hisse jusqu'à son balcon. Sur les toits, on devine parfois des lofts, parfois de véritables taudits. Nouveau visage d'Ortaköy, quartier bobo-bohème où l'on peut bruncher le dimanche dans des "kahvalti evi" tendances ou faire du shopping dans des petites boutiques créateurs...



Un dimanche en noir et blanc. Un dimanche d'octobre sous la pluie.

vendredi 2 octobre 2009

Déambulations #1 -D'Ortaköy à Galata-

Premiers petits moments à Istanbul...



"Mes premiers pas dans Ortaköy, une soirée à l'Institut de Darbuka de Galata, un dimanche après-midi à flâner chez les antiquaires de Beyoglu, un petit Bécherel installé à Taksim à l'occasion d'une rencontre de bouquinistes et puis Galata et ses pêcheurs ..."

- Premiers pas à Istanbul ou l'incroyable histoire de Morgane et la grosse pomme de terre-

Arrivée à Istanbul un lundi matin après une nuit de car.
Partie le dimanche soir d'Adana après avoir changé subitement mes plans pour cause de "Bayram" (fête qui célèbre la fin du Ramadan et à l'occasion de laquelle les étudiants retournent en famille à Bursa, Ankara, Izmir ou ailleurs). Après une, puis deux, puis trois personnes qui me répètent que la période ne sera pas idéale pour trouver un appart à Istanbul, j'achète un billet de car, le temps de prendre mon sac et dans l'heure, me voilà partie pour Istanbul.
Là-bas, Onur m'y attend et sera mon hôte pour quelques jours le temps de trouver un appart. Onur c'est le cousin du meilleur copain de mon ami turc Emin. Et oui, en Turquie, les amis de mes amis sont aussi tes amis, surtout pour une petite française sans défense jetée dans cette grande ville. "Je pars à Istanbul dans une heure". Qu'à cela ne tienne, 2 coups de fil et 3 minutes plus tard, j'ai un lit, un étudiant turc qui m'aidera énormément dans mes recherches, me fera découvrir un peu Istanbul entre deux visites, me trouvera un téléphone et qui bien sûr, refusera que je paie quoi que ce soit.
4 jours à Istanbul pour trouver un chez moi, voilà l'état d'esprit.
Mes ennemis: le trafic qui rend les trajets déjà longs interminables, la "nourriture à haute teneur en calories" qui m'appelle partout, tout le temps et qui aura parfois raison de moi après des heures de marche et des visites infructueuses, le caractère purement décoratif de la signalisation routière (j'étais pourtant pas mal entraînée avec les chauffeurs fous d'Adana mais pas assez visiblement).
Mes alliés: Onur (qui peut poser des questions plus précises sur les charges et compagnie ou fixer un rendez vous téléphonique lorsque mon turc ne suffit plus), craiglist qui me permet de visiter 3/4 apparts par jour, le réseau de bus et mes baskets.
Des rencontres, une première découverte d'Istanbul et des moments de solitude qui font du bien après un mois de programme à vivre en permanence avec d'autres Erasmus.
Et puis, une maison et une famille en bonus. C'est à ce moment que je vous compte l'histoire de Morgane et la grosse pomme de terre ("Cumpir" à la stambouliotte) ou comment j'ai trouvé mon chez moi.
Alors, l'histoire se passe un soir dans le quartier d'Ortaköy avec mon ami Onur. Au programme de la soirée, découverte du "Cumpir", grosse pomme de terre chaude fourrée à outrance de : saucisse, salades composées, légumes variés, olives, maïs, ketchup, mayo et j'en passe. L'idée était d'oublier les visites un peu décevantes de la journée. Cumpir à la main, je tente une approche avec les vendeurs fort sympathiques à coup de "Comment t'appelles-tu", "As-tu des enfants?", "Moi je suis française et étudiante" et autres petits rudiments de conversation qui permettent d'engager des conversations souvent agréables et amusantes. Onur m'aide et nous engageons joyeusement la conversation. Il leur fait part de mes recherches d'appartement, des prix parfois élevés et quelques minutes plus tard, les numéros de téléphone sont échangés, s'ils entendaient parler de quelque chose dans le quartier... Mais l'histoire ne s'arrête pas là comme cela aurait pu être facilement le cas. Non, non. Le lendemain soir, un appel, une visite et hop, "emballez, c'est pesé". Ce charmant couple qui ne veut pas m'imaginer plus longtemps "à mener des recherches difficiles, toute seule, dans une siii grande ville avec mon sac à dos siii lourd"[carte et bouteille d'eau de 50cl c'est vrai que c'est pas facile] me propose le dernier étage de leur maison (salon et chambre) et m'offre la possibilité et chance de vivre avec eux et leurs deux enfants, à 5minutes à pied du Bosphore, le tout pour un prix bien plus bas que dans les autres appartements visités...
Le lendemain, mon sac est posé et je repars sereinement fêter Bayram à Adana, une maison et une famille m'attendent à mon retour à Istanbul...

"1 geri 2 ileri"

"Un pas en arrière, deux pas en avant."
C'est comme ça qu'avaient choisi d'avancer les janissaires il y a déjà un bon petit bout de temps.
Ça sonnait pas trop mal (à prononcer "birgerikileri") et me permettait d'échapper au très classique "Morgane en Turquie", au plus poétique "Ganemor[leporc] sur le Bosphore" ou au plus local "Makbul à Istanbul"...
Et puis, "1geri2ileri", c'est un peu ce qui m'attend cette année je pense; des instants où tout sera compliqué, inintelligible et démotivant... Et puis d'autres, riches et intenses, des moments de rencontres, de découvertes, d'apprentissage; une phrase correctement construite, une conversation avec un pêcheur sur les bord du Bosphore, pratiquer l'art de la déambulation dans un nouveau quartier...
Alors tant pis, un pas en arrière parfois mais de toute façon, on avance.
Le temps de s'arrêter pour mieux repartir et s'émerveiller de nouveau ...